Martin Eden by Jack London

Martin Eden by Jack London

Auteur:Jack London
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction et littérature
ISBN: 9782363073242
Éditeur: Culture commune
Publié: 2012-05-22T04:00:00+00:00


Chapitre 25

Maria Silva était pauvre et rien de ce qui touche à la pauvreté ne lui était étranger. Pour Ruth, être pauvre signifiait simplement un genre d’existence dépourvu d’agréments. C’était tout ce qu’elle connaissait de ce sujet. Elle savait que Martin était pauvre et comparait volontiers sa situation avec celle d’Abraham Lincoln jeune, de M. Butler ou de quelques autres, arrivés depuis à la réussite. D’ailleurs, tout en pensant que la pauvreté n’avait rien de réjouissant, elle avait la conviction bien bourgeoise qu’elle est salutaire et constitue un coup de fouet excellent pour faire arriver tout homme qui n’est pas irrémédiablement esclave. D’apprendre que Martin était si pauvre qu’il avait engagé sa montre et son pardessus, ne la troubla donc pas. Elle considérait même ce fait comme assez satisfaisant, car elle pensait que tôt ou tard, il en aurait assez de cette situation et se déciderait à abandonner la littérature.

Jamais elle n’avait deviné la faim sur le visage de Martin, dont les joues se creusaient davantage tous les jours. Elle remarquait au contraire le changement avec satisfaction : il lui semblait plus affiné ; il perdait un peu de cette animalité vigoureuse qui l’attirait et qu’elle détestait. Quelquefois, quand ses yeux brillaient d’un éclat plus fiévreux, elle s’en réjouissait ; elle le trouvait plus semblable à un savant ou à un poète, ce qu’au fond elle aurait aimé qu’il fût.

Mais Maria Silva vit autre chose dans les joues creuses et les yeux fiévreux de son locataire et notait les changements de jour en jour, selon les alternatives de sa bourse. Elle le voyait partir avec son pardessus puis revenir sans lui, bien que le temps soit aigre et mordant. Ce jour-là ses joues s’étaient remplies un peu et la fièvre de ses yeux s’était atténuée. Elle vit de même disparaître la bicyclette et la montre et, à chaque disparition sa mine s’améliorait momentanément.

Elle mesura également l’intensité de son labeur à la quantité de pétrole qu’il brûlait la nuit et comprit qu’il la dépassait encore comme travail, bien que celui-ci soit différent du sien. Ce qui la surprit, ce fut de constater que moins il mangeait, plus il travaillait. Parfois, quand elle jugeait que le besoin s’en faisait par trop sentir, elle lui envoyait une galette cuite par elle, sous le prétexte qu’il ne savait sûrement pas la réussir aussi bien. Ou bien, elle lui dépêchait un de ses mioches avec un grand bol de soupe chaude, tout en se demandant si elle avait le droit d’en priver sa nichée. Et Martin lui en était reconnaissant, car il connaissait l’existence des pauvres et savait que, s’il existe de la charité sur terre, c’en était et de la vraie.

Un jour que Maria avait lesté sa nichée de ce qui restait à la maison et dépensé ses derniers quinze cents à l’achat d’un litre de piquette, Martin, entré à la cuisine pour chercher de l’eau, fut invité à s’asseoir et à boire un verre avec elle. Il but à sa santé, et elle but à la sienne.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.